Les mots composés en allemand

 


Les mots composés en allemand


L'allemand a la faculté de former des mots composés — substantifs, adjectifs, adverbes — en associant tous les mots possibles entre eux : substantifs, adjectifs, adverbes, participes, verbes, préfixes, prépositions.  
 
 Ces mots composés sont particulièrement fréquents chez Freud, et ne sont pas toujours faciles à décomposer, donc à comprendre parfaitement. Par ailleurs, ce mécanisme linguistique est relativement rare en français, ce qui pose de nombreux problèmes de traduction.
 
 Les éléments des mots composés sont soit reliés par un trait d'union, soit accolés. L'emploi du trait d'union répond à des considérations grammaticales ou sémantiques : il permet une meilleure compréhension, et concerne également des mots dans lesquels le premier élément ne détermine pas le sens des autres : dans "Nord-Süd-Gefälle" (les disparités Nord-Sud), "Nord" n'a pas le même poids que "Schreib" dans "Schreibmaschine" (la machine à écrire). Nous allons examiner :  
 
 1  L'emploi du trait d'union dans les mots composés  
 2  Les mots composés sans trait d'union : les substantifs
 3  Les mots composés sans trait d'union : les adjectifs  
 4  Les mots composés sans trait d'union : les participes  
 5  Les mots composés sans trait d'union : les adverbes  
 6  La liaison inter-mots
 7  La compréhension des mots composés


1 L'emploi du trait d'union dans les mots composés  
 

 1. Le trait d'union relie deux ou plusieurs mots constituant une unité, si ceux-ci ne forment pas un seul mot ; s’il y a deux adjectifs épithètes, seul le dernier adjectif est décliné :
 
Das betrifft allerdings in solchen Fällen nur das Ubw-System.
 "Cela ne concerne bien sûr dans de tels cas que le système de l’inconscient."
 
Wir wollen auf die deutsch-französische Freundschaft anstoßen!  
 "Nous allons trinquer à l’amitié franco-allemande !"
 
 2. Le trait d'union permet d'éviter de répéter un élément présent dans deux mots composés ; le mot devant lequel il est placé prend une minuscule :  
 
Ich habe vorgeschlagen, von solchen Urtrieben zwei Gruppen zu unterscheiden, die Ich- oder Selbsterhaltungstriebe und die Sexualtriebe.
 
 "J’ai proposé de distinguer parmi de telles pulsions primitives deux groupes de pulsions : les pulsions du moi ou pulsions de conservation (l’instinct de conservation) et les pulsions sexuelles."
 
2 Les mots composés sans trait d'union : les substantifs
 
 1. Ils sont la grande majorité ; Le premier élément détermine ou oriente le sens du ou des éléments suivants. Toutes les combinaisons sont possibles, chez Freud comme chez tout auteur de langue allemande ; voici queqlues exemples :  
 
 - Pronom-substantif : das Ichideal (l’idéal du moi) ;  
 - Adjectif-substantif : der Sexualtrieb (la pulsion sexuelle) ; die Aktualneurose (la névrose aux causes récentes) ;
 - Substantif-substantif : die Fortpflanzungsfunktion (la fonction de reproduction) ; die Übertragungsneurose (la névrose de transfert) ; die Objektlibido (la libido investie dans l’objet) ; der Traumzensor (le censeur du rêve)
 
 2. La combinaison adjectif/substantif forme une entité nouvelle et apporte un sens différent du couple épithète/substantif. Quelques exemples :  
 
 - der Sexualtrieb est la pulsion dont l’essence même est d’être sexuelle ;
 - der Primärvorgang est le processus toujours primaire ;
 - die Altstadt est le noyau ancien d'une ville, c'est la Vieille Ville, différente de die alte Stadt, qui désigne toute une ville vieille.  
 
3 Les mots composés sans trait d'union : les adjectifs

 
 1. Ils sont souvent formés avec les suffixes -arm (pauvre en), -reich (riche en), -haltig (contenant du/de la…), -frei (dénué de), -fähig (capable de), -freundlich (positif envers), -fest (qui résiste à) ; exemples :
 
A. Adler meint hier ein leistungsfähiges Seelenleben.
 "A. Adler pense ici à une vie psychique performante."
 
Dieser psychische Akt ist noch nicht bewußt, wohl aber bewußtseinsfähig…
 "Cet acte psychique n’est pas encore conscient, mais en revanche capable de parvenir à la conscience…"
 
Erst viel später konnte Freud wirklich sorgenfrei leben.  

 "Ce n’est que bien plus tard que Freud put vivre vraiment sans souci matériel."
 
Es ist sehr bemerkenswert, daß das Ubw eines Menschen mit Umgehung des Bw auf das Ubw eines anderen reagieren kann.
 "Il est très remarquable que l’ics d’une personne puisse réagir à l’ics d’une autre personne en contournant le conscient."
 
4 Les mots composés sans trait d'union : les participes
 
 Sont concernés aussi bien des participes présents que passés, auxquels Freud accole un substantif :
 
Die Erfahrung erlaubt uns auch, von „zielgehemmten” Trieben zu sprechen…  
 "L’expérience nous autorise aussi à parler de pulsions déviées de leur but par inhibition…"  
 
Freud legt hier den Akzent auf die sogenannte gleichschwebende Aufmerksamkeit des Arztes.
 "Freud met ici l’accent sur ce qu’il appelle « l’attention flottante » du médecin."
 
Wir sprechen dann auch von der „Anziehung”, die das lustspendende Objekt ausübt, und sagen, dass wir das Objekt „lieben”.
 "Nous parlons d’ailleurs alors de « l’attraction » exercée par l’objet qui est source de plaisir, et disons que nous « aimons » cet objet."
 
5 Les mots composés sans trait d'union : les adverbes
 
 L’allemand peut former des adverbes en ajoutant à des substantifs, adjectifs ou participes passés les suffixes  -weise et -maßen :  
 
Sie hat ihm seltsamerweise nie geantwortet.
 De façon étrange, elle ne lui a jamais répondu.
 
Erstaunlicherweise sah Adler gar nicht verlegen aus.
 "De façon étonnante, Adler ne semblait pas du tout gêné".
 
Freud war glücklicherweise dabei und konnte ihr aushelfen
.
 Par chance, Freud était présent et put la tirer d’embarras.
 
Wir wollen zunächst die Grundsätze der Metapsychologie schrittweise darlegen
.  
 "Nous allons tout d’abord exposer les principes de la métapsychologie pas à pas."
 
Erwiesenermaßen ist sich der Patient dessen gar nicht bewußt.

 "Il est prouvé que le patient n’en est pas du tout conscient."
 
6 La liaison inter-mots  
 
 1. Un élément du mot composé peut être simplement accolé au suivant sans ajout ; c'est presque toujours le cas pour un adjectif, une préposition, un adverbe ; cela concerne aussi de nombreux substantifs, au singulier ou au pluriel ; exemples :  
 
- Die Unlustempfindung : la sensation de déplaisir ;
- Die Ersatzbildung : la formation de substitution ;
- Die Selbstkritik : l’auto-critique ;  
- Die Trauerarbeit : le travail de deuil.
 
 2. Les autres substantifs peuvent ajouter divers(es) lettres/sons intermédiaires : -e ; -es ; -s ; -n ; -en ; exemples :  
 
- Die Ausdrucksform : la forme d’expression ;
- Das Tagegeld : l’allocation journalière de maladie ;
- Das Taschentuch : le mouchoir ;  
- Der Erdenbewohner : le terrien.
 
 On constate que parfois les lettres ajoutées ne sont pas les formes correspondantes des déclinaisons des mots utilisés, donc sont trompeuses :  
 
 a) Des formes marquant le pluriel sont utilisées dans le cas d'un singulier, par exemple dans der Wochentag (le jour de la semaine) ou das Seelenleben (la vie psychique) ;  
 
 b) A l'inverse, des formes de déclinaison au singulier correspondent à un pluriel dans le mot composé :  
 
- Der Wohnungsbau : la construction de maisons ;
- Die Bischofskonferenz : la conférence des évêques ;  
- Der Freundeskreis : le cercle d’amis.
 
 3 Pour faciliter la prononciation, les substantifs féminins finissant par : -keit, -heit, -schaft, -ung, -tät ajoutent toujours un s intermédiaire ; cela vaut aussi pour Liebe :  
 
- Die Liebesbesetzung : l’investissement libidinal dans l’amour ;
- Der Wiederholungszwang : la compulsion de répétition ;
- Die Realitätsprüfung : la confrontation au réel.
 
7 La compréhension des mots composés
 
 L’articulation de ces mots composés est parfois difficile à saisir, et ce pour trois raisons : 1) un mot composé allemand est une sorte de condensé, qui n’indique pas toujours la nature de ses éléments ; 2) ces compositions ne se trouvent souvent que chez Freud ; 3) la complexité de la phrase et du sujet traité est un obstacle supplémentaire.  
 
 Ainsi, lorsque Freud parle de Zielvorstellung, seule le contexte peut dire qu’il ne s’agit pas d’un but visé, de la représentation d’un but, mais d’une représentation destinée à atteindre ou se rapprocher d’un but, donc d’une représentation ciblée, ou encore sous-tendue par un but à atteindre : une image précise surgit chez le patient en présence de Freud, qui comprend que ce n’est pas le fruit du hasard, l’inconscient de l’analysé ayant des choses à dire.
 
 Il arrive d’ailleurs que Freud se rende compte du manque de clarté et y supplée par des rajouts. C’est ainsi qu’au début de Die Verdrängung (le refoulement) il forme, à propos d’une manifestation pulsionnelle indésirable, le mot composé Urteilsverwerfung, qui peut signifier : a) le rejet d’un jugement ; b) le rejet par un jugement. Conscient du problème, Freud rajoute entre parenthèses le mot : Verurteilung (condamnation) ; il s’agit donc d’une condamnation de la pulsion, qui se trouve ainsi rejetée, le refoulement étant le mécanisme le plus courant. On pourra donc traduire correctement par : le rejet de la pulsion condamnée par le moi.
 
 Les ajouts freudiens sont parfois eux-mêmes source de malentendus. Ainsi, lorsque Freud veut parler de la manifestation, de l’émanation d’une pulsion sous forme de représentation et non d’affect tel que l’angoisse, il fabrique le mot composé Vorstellungsrepräsentanz, qui, tel quel, est assez obscur, d’autant qu’il a auparavant employé Vorstellung et Repräsentanz comme synonymes avant de les distinguer. On pourrait être tenté de comprendre : représentation de représentation, mais cela n’a pas grand sens. Par chance, à quelques lignes de là, Freud a utilisé le bloc (Vorstellungs-) Repräsentanz : il parlait du substitut de la pulsion et ajoutait entre parenthèses que cette pulsion se manifestait sous forme de représentation (image, idée, son…) et non d’affect (angoisse…), le terme de Repräsentanz pouvant exprimer les deux possibilités.
 
 La compréhension de ces mots composés requiert donc à la fois une grande familiarité de la langue allemande et une bonne connaissance de l’œuvre freudienne, on ne peut pas établir de règles générales, si ce n’est conseiller de ne pas traduire littéralement par deux substantifs français reliés par un trait d’union, ce qui ne rend pas l’idée allemande et produit un français à la fois obscur et souvent très incorrect : Que peut comprendre un francophone quand il lit l’expression « perception-conscience » censée traduire Wahrnehmungsbewußtsein ? Freud veut parler d’une des fonctions de la concience : recueillir des perceptions au moyen des cinq sens. D’où la traduction proposée : la conscience dans sa fonction perceptive. A ce niveau, la compréhension du mot composé doit être réelle pour permettre une traduction claire et correcte. En aucun cas on ne peut accepter que la traduction d’un mot composé soit obscure sous prétexte que l’allemand de Freud n’est pas toujours limpide.
 
 

 
 
 



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